Pyrénées-Orientales - De stimulantes et utiles cogitations prométhéennes à Thuir pour La France Insoumise
Par Francis Daspe, le 31 Juillet 2024
Ce mardi 30 juillet, se sont déroulées à Thuir les « Cogitations estivales prométhéennes ». Cette 3° édition était organisée en partenariat par La France Insoumise et l’AGAUREPS-Prométhée. Le format est resté identique aux devancières : traiter un sujet historique qui possède une résonance et une actualité politiques. La question retenue remplissait à merveille le cahier des charges ainsi défini, avec la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Il s’agissait de montrer à quel point l’héritage révolutionnaire est fondateur des principes actuels de la République.
Francis DASPE introduisait la conférence / débat par une mise en perspective historique et historiographique de la Révolution française. Elle s’inscrit dans un contexte à la fois de remise en cause des bases de l’Ancien Régime avec le courant des Lumières et de crise profonde de la monarchie française, notamment financière et morale. « La Révolution française a bien constitué une rupture émancipatrice de portée universaliste. Mais un courant historiographique révisionniste et conservateur a toujours tenté d’en réduire la dimension progressiste, en la considérant comme une simple composante d’un temps plus long des révolutions atlantiques des XVII° et XVIII° siècles, anglaises et américaine », expliquait-il en préambule.
Il poursuivait en expliquant deux articles, le premier et le dernier de ce texte en comportant 17 au total. « Leur examen approfondi permet de s’apercevoir qu’ils ne sont pas forcément ce à quoi on les réduit très souvent ». Le dépassement d’une certaine mythologie est nécessaire pour se conformer à une méthode rationnelle d’analyse. C’est le cas de l’article 1 perçu comme le symbole absolu et vertueux de l’égalité, avec la phrase inaugurale indiquant que les hommes naissent libres et égaux en droits. Mais c’est oublier la seconde phrase qui reconnaît des « distinctions sociales » fondées sur la notion d’utilité commune pas facile à définir concrètement. « C’est en réalité accepter l’existence d’une société de classes, en remplacement de la société d’ordres et de privilèges d’Ancien Régime détruite par l’abolition des privilèges au cours de la nuit du 4 août, avec son cortège d’injustices et d’exploitations qui va caractériser la révolution industrielle du XIX° siècle ». Autrement dit, proclamation de l’égalité civile et juridique d’un côté, mais acceptation d’inégalités sociales de l’autre. L’égalité est décidément un combat ininterrompu…
Un même paradoxe, symétrique, entache l’article 17. Il est souvent critiqué en ce qu’il sacralise la propriété, la qualifiant d’inviolable. Mais là aussi, il convient d’examiner la fin de la phrase, qui évoque la possibilité sous certaines conditions de la remettre en cause. « En réalité, au nom du concept de nécessité publique, cela ouvre la voie pour la puissance publique et la société à en gommer les effets les plus injustes par diverses possibilités, allant de la fiscalité aux confiscations en passant par la réquisition ou la nationalisation ». Ce fut par exemple l’option retenue par les révolutionnaires qui, pour faire face à la crise financière, décidèrent par décret la mise à disposition de la Nation des biens du clergé. La question du partage des richesses reste une préoccupation omniprésente et indépassable.
Francis DASPE insistait également sur le fait que des textes comme une déclaration ou une constitution ne garantissent en rien le respect des principes les plus évidents et les plus nécessaires qu’ils contiennent. « Ce sont les actes concrets qui sont décisifs, et ce d’autant plus que ces principes peuvent être biaisés par des lectures divergentes et des interprétations opposée, voire erronées ». Il prenait l’exemple de plusieurs lois qui furent votées au cours de la période, et qui ont terni certains principes contenus dans la DDHC . Le suffrage censitaire est incompatible avec l’égalité politique des citoyens. La loi Le Chapelier de 1791 qui, au nom de la liberté du travail interdit toute coalition des travailleurs (c’est-à-dire faire grève, créer un syndicat, revendiquer des conventions collectives etc.), offrira un sort peu enviable aux ouvriers au XIX° siècle, ouvrant la voie de ce fait à la lutte des classes. L’octroi au roi d’un droit de veto, même limité à deux mandats législatifs, bafoue la souveraineté populaire. A l’inverse, la DDHC aura eu pour mérite de servir de point d’appui solide au combat au long cours de ceux qui ont voulu approfondir la démocratie et le progrès social contre tous les réactionnaires et autres rétrogrades nostalgiques de l’Ancien Régime ou aux futurs adeptes des régimes autoritaires. Et ce ne fut pas un mince mérite !
Les échanges avec l’assistance ont concerné les autres articles traitant par exemple de la loi, de l’impôt, de la souveraineté populaire, de la justice, de la résistance à l’oppression, de la sûreté, de l’articulation entre droits et devoirs, de la force publique. Il est impossible d’en relater ici la diversité et la richesse, et encore moins la complexité. Et encore moins de recenser les nombreuses allusions et comparaisons faites avec l’actualité politique, notamment pour montrer que les prétendus défenseurs d’improbables « arc républicain » ou « cercle de la raison » ont bien divorcé d’avec les principes de la Révolution française inscrits dans la DDHC. En fait, chaque article pourrait faire l’objet à lui seul d’une conférence / débat entièrement dédiée ! L’article 15 se passe à cet égard de commentaires : « Toute société dans laquelle la garanties des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Dédicace spéciale à la Macronie !
L’objectif de ces « Cogitations estivales prométhéennes » a été pleinement atteint, tant les échanges ont été stimulants. Il s’est bien agi de formation militante et d’éducation populaire sur des questions aux enjeux politiques cruciaux d’actualité brûlante. En fin de compte, un véritable antidote à toutes les manipulations et instrumentalisations des faussaires de l’héritage de la Révolution française. D’où la nécessité dans cette période de grandes confusions idéologiques de rappeler que la République est héritière et héritage de la Révolution.
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