

HÉRAULT - Paris 1924-Paris 2024 : le Rugby aux Jeux Olympiques.. par Pierre Nabonne
Par Pierre Nabonne Pour OCCITANIE TRIBUNE et EUROTRIBUNE, le 11 Février 2025
Pour oublier la cruelle défaite du XV de France en Angleterre de samedi, heureusement que nous avons encore en mémoire les exploits d’Antoine Dupont et de sa bande de copains émerveillés, médaillés d’or dans la moiteur de la soirée d’été du 27 juillet dernier en rugby à sept… Plus de six mois ont déjà passé. Cent ans auparavant leurs ancêtres quinzistes avaient eux aussi subi une lourde déconvenue en montant seulement sur la seconde marche du podium avant de voir leur discipline rayée des programmes olympiques. C’est long un siècle, mais les archives d’époque vont nous aider à raviver la flamme…
Les Jeux étant nés en Grèce à Olympie en 776 avant J.C, le choix d’Athènes pour l’édition du renouveau en 1896 avait rallié la majorité des suffrages. Celui de notre capitale pour l’Olympiade suivante qui s’annonçait fortement concurrencée par l’Exposition universelle de 1900 paraissait plus discutable mais le baron Pierre de Coubertin, président de l’instance organisatrice depuis 1894, avait mis dans la balance tout le poids de son influence pour soutenir la candidature de Paris. Il fallut tout de même trouver un compromis pour décider que « Les concours internationaux d’exercices physiques et de sports de l’Exposition tiendraient lieu de Jeux Olympiques et compteraient comme équivalent de la seconde Olympiade ». Ouf ! Il n’empêche que les compétitions sportives n’eurent certainement pas l’écho qu’elles auraient mérité en d’autres circonstances...
Rien de tel vingt ans plus tard ! Le samedi 5 juillet 1924 plus de 40.000 spectateurs prennent place dans un stade de Colombes flambant neuf pour applaudir les quelques 3.000 sportifs en quête de gloire représentant les 44 nations qui défilent pour la cérémonie d’ouverture. Elle est présidée par Gaston Doumergue, gardois de naissance puisque né à Aigues-Vives (à une quinzaine de kilomètres de Nîmes), président de la République en exercice pour un septennat débuté moins d’un mois auparavant, le 13 juin 1924 précisément. Très attaché à ses racines languedociennes, il vivra plus tard des jours heureux à Tournefeuille dans l’Ouest toulousain aux côtés de sa dulcinée née Jeanne-Marie Gaussal, originaire (à l’attention de nos amis ariégeois) de Pamiers. Pour la petite histoire, leur union avait été officialisée douze jours seulement avant la fin du mandat présidentiel… Entre-temps la vie avait suivi son cours. La vaste enceinte de Colombes, hippodrome à son origine à la fin du XIX° siècle, avait été rapidement utilisée pour d’autres activités, football, rugby, athlétisme et elle était devenue le fief du Racing Club de France, le prestigieux club omnisports de la capitale. La finalisation d’importants travaux d’agrandissement et de rénovation avait puissamment contribué à la décision du Comité International Olympique donnant la préférence à Paris plutôt qu’à Amsterdam pour accueillir à nouveau les Jeux Olympiques. Seulement, les dates prévues en début d’été paraissaient totalement incompatibles avec la pratique de notre cher rugby et du côté de nos voisins britanniques et de ceux des Antipodes ce fut un refus ferme et catégorique. Même en décalant les matches au printemps, rien n’y fit et il fallut faire sans eux. En leur absence les nôtres devenaient de sérieux candidats à la médaille d’or. Et cela d’autant plus qu’ils avaient montré quelques progrès durant les Tournois des Cinq Nations précédents. Dans la continuité de leur victoire sur l’Irlande en 1923, ils avaient dominé l’Ecosse le 1° janvier 1924 avant de s’incliner dans les trois rencontres suivantes. Ils auraient pourtant mérité mieux pour la clôture du 27 mars, concédant face aux Gallois une courte défaite (6-10) sous une pluie diluvienne. Les avants français, bien emmenés par leur capitaine Aimé Cassayet, firent preuve d’une vaillance exemplaire mais les conquêtes en touche du 3° ligne François Clauzel s’avérèrent improductives avec un ballon rapidement transformé en savonnette. Le réalisme britannique fit le reste, comme un air déjà connu…
Avant les rendez-vous olympiques il reste encore à négocier au mieux les dernières joutes du championnat de France. Pour la demi-finale du 6 avril entre l’A.S.Biterroise et le Stade Toulousain, le train spécial organisé pour permettre aux supporters héraultais de rallier Carcassonne dans les meilleures conditions a été rapidement rempli. Tout le monde y croit mais l’ailier Nougal marque rapidement l’essai qui permet aux Stadistes de prendre la tête. Les esprits s’échauffent et une partie du public des chaises de touche envahit la pelouse. « A grand peine les gendarmes casques en tête font rentrer les perturbateurs dans le rang et la partie peut enfin reprendre », relate Jean Vidal. Les Héraultais font feu de tout bois, Clauzel s’échappe puissamment, Parnaud poursuit l’action mais la dernière passe n’est pas assurée alors que la voie de l’essai paraissait dégagée. Plus rien ne sera marqué et les Garonnais l’emportent par la plus petite des marges, 3 à 0. Et ils s’imposeront sur le même score pour le titre suprême face aux Perpignanais qui avaient éliminé le Stadoceste Tarbais dans l’autre demi-finale, 10 à 0.
Quinze jours après la finale ce sont donc les JO qui se profilent. La saison a été longue mais nos représentants passent facilement le cap du premier tour en infligeant aux malheureux Roumains un 59-3 sans appel. Pas de quoi impressionner leurs adversaires en finale, une équipe composée en grande partie d’étudiants américains aux gabarits impressionnants issus pour la plupart de leur Californie natale. Lesquels s’imposent sans coup férir, 17 à 3 avec cinq essais contre un seul signé par le toulousain Henri Galau. C’en est trop pour une foule ulcérée par l’incapacité des nôtres, trop vite réduits à 13 par les blessures de deux des leurs « sur des plaquages virils mais corrects » considérés comme réguliers par la presse sportive de l’époque. Une partie du public voit rouge, les coups volent bas et des échauffourées se produisent laissant au tapis une dizaine de belligérants. L’hymne américain et la montée du drapeau étoilé sont couverts par une bordée de sifflets et la maréchaussée doit s’employer pour protéger la sortie houleuse des vainqueurs. Triste spectacle qui vaudra au rugby à XV d’être rayé des sports olympiques… Soucieux de rétablir la vérité historique, nous signalerons toutefois que ce n’est pas à l’issue de cette rencontre mais bel et bien à l’occasion d’un France-Etats-Unis antérieur (puisque disputé en 1919) qu’Allan Muhr, ancien international devenu un influent dirigeant franco-américain, prononça la phrase devenue célèbre « C’est ce qu’on peut faire de mieux sans couteaux ni revolvers ».
Toujours est-il qu’il faudra attendre 2016 pour voir le retour du rugby aux J.O, un rugby moins frontal certes mais tout aussi exigeant, privilégiant vision du jeu, rapidité et efforts à haute intensité. Les nôtres ont peaufiné leur préparation dans les dunes fidjiennes et sur les plages landaises de Capbreton où ils ont leurs habitudes. Ils s’y sentent tellement bien qu’ils y passeront sept semaines au total et l’utilisation du Pôle haute performance inauguré au printemps, attenant au stade municipal, comble tous les désirs d’exigence du staff. Pour le sélectionneur-entraîneur Jérôme Daret « le rugby à sept au stade de France, ce sera l’aboutissement d’un projet de sept ans et d’une passion de vingt ans ». Le coach compte donc s’appuyer sur un collectif bien huilé qui bénéficiera aussi du renfort inestimable d’Antoine Dupont qui s’est parfaitement intégré dans le collectif tout en devenant champion d’Europe et de France 2024 avec le Stade Toulousain. Après la victoire début juin à Madrid en finale du circuit mondial à sept, l’optimisme est de mise dans l’entourage de nos représentants mais nul n’ignore l’ampleur de la tâche à venir. Les premiers résultats du mercredi 24 juillet, match nul 12 à 12 contre les Etats-Unis et victoire laborieuse sur l’Uruguay 19-12, n’incitent d’ailleurs pas à un optimisme béat. Ce ne sera guère mieux l’après-midi du lendemain pour la fin des phases de poules avec une défaite 12-19 contre les Fidji qui restent donc invaincus depuis l’introduction de la discipline à Rio en 2016, un résultat qui sécurise toutefois la qualification de la France pour les quarts de finale.
L’Argentine l’attend de pied ferme à ce stade de la compétition mais les nôtres réalisent un départ-canon, 21-0 avant d’en terminer à 26-14. Le lendemain d’une fastueuse cérémonie d’ouverture qu’ils ont sagement regardé sur leurs écrans, les voilà donc invités dans le dernier carré avec deux dernières danses programmées pour le samedi 27 juillet. Comme partenaires particuliers, ils auraient peut-être préféré mieux que les Sud-Africains en demi-finale. De fait, les deux rivaux s’observent pour en rester à 0-0 au repos avant que les cousins des Springboks (champions du monde à XV en titre) ne prennent l’avantage dès la reprise, 7-0. Deux essais du Toulonnais Rayan Rebbadj permettent enfin de décanter la situation avant un troisième pour le plaisir, signé Jordan Sepho pour un 19 à 7 final. Dans un Stade de France pris de folie il ne reste que trois petites heures à attendre avant de retrouver pour l’ultime rendez-vous les maîtres fidjiens, lesquels ont surclassé les Australiens dans l’autre demi-finale, 31-5. Tous sont prêts à allumer le feu avec le soutien inconditionnel de 65.000 supporters disposés à se casser la voix pour aller chercher la première médaille d’or de l’histoire du rugby français. L’entame n’est pourtant pas celle exactement souhaitée puisque nos représentants se retrouvent rapidement menés 0-7. Ils réussissent à revenir à hauteur de leurs adversaires juste avant la pause sur un essai de l’Agenais Jefferson Lee-Joseph aussitôt transformé par Rayan Rebbadj. Dès la reprise Antoine Dupont entre en scène : récupérant un ballon chaud au niveau de ses 22 mètres il se lance dans un sprint échevelé le long de la ligne de touche pour remonter tout le terrain et servir le Palois Aaron Grandidier pour l’essai que s’empresse de transformer le capitaine gersois Paulin Riva. 14 à 7, c’est bien parti et les nôtres peuvent alors dérouler leur rugby. Notre Toto national, intenable, joue une pénalité à la main pour clouer sur place l’ultime défense d’un crochet dévastateur et s’affaler derrière la ligne avant de conclure en beauté un groupé-pénétrant d’école que Jean-Pascal Barraque paraphe d’une ultime transformation, 28-7. C’est fini, vite fait bien fait ! Alors que les malheureux Fidjiens mettent genou à terre pour leur prière rituelle, sur la pelouse et dans les tribunes la fête est totale et ce n’est qu’un début. Elle se prolongera jusqu’au bout de la nuit… et de quelques autres aussi. Nos champions n’oublieront jamais, et nous pas davantage !
Pierre Nabonne
A LIRE AUSSI


MARSEILLAN - L'éclat des huîtres de Thau: Basile Compan décroche l'or !

POMEROLS - Succès pour le plateau de boxe éducative à Marche Gay
